L'efficacité du système de protection sociale français

Publié le par Vd

« Il faut libérer l’homme du besoin et du risque »[1].

 

La notion de protection sociale recouvre tous les mécanismes de prévoyance collective, permettant aux individus de faire face aux conséquences financières des risques sociaux.

Les risques sociaux s’analysent comme étant des circonstances imprévues, susceptibles de compromettre la sécurité économique de l’individu ou de sa famille en provoquant une baisse des revenus ou une augmentation des dépenses.

En matière de santé, les prestations sociales sont versées directement aux ménages, en nature (notamment en ce qui concerne le remboursement des soins).

En France la protection sociale est organisée selon quatre niveaux :

 

Tout d’abord, la sécurité sociale est une composante du système de protection sociale. Elle permet la couverture des risques de bases : maternité, invalidité, décès, maladie, accident du travail et maladie professionnelle, vieillesse et famille.

Le régime général concerne la plupart des salariés. Les régimes spéciaux couvrent les salariés qui ne sont pas concernés par le régime général. Il s’agit des fonctionnaires et des agents EDF-GDF ou encore des agents de la SNCF, etc. Le régime agricole quant à lui assure la protection des exploitants et des salariés de l’agriculture.

 

Ensuite, on trouve des régimes dit complémentaires parce qu’ils fournissent aux bénéficiaires une couverture supplémentaire à la couverture de base. Ainsi les mutuelles de santé ou les institutions de prévoyance peuvent être souscrites de manière facultative pour les individus souhaitant s’assurer une plus grande protection sociale.

 

On évoquera aussi l’UNEDIC (Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) qui gère le régime d’assurance chômage.

Enfin, l’aide sociale est un mécanisme entièrement géré par l’Etat et les départements afin d’apporter un soutien aux personnes les plus démunies.

 

Tous ces mécanismes composent le système français de protection sociale. Son organisation a été pensée dans le but de protéger la population contre les risques sociaux. Ainsi le système a dû plusieurs fois s’adapter au contexte de la société. Cependant, depuis plusieurs années, le système semble ralenti. La société aurait-elle trop vite évoluée ? Face à l’émergence de nouveaux risques sociaux, tel que l’exclusion, le système fait l’objet de nombreuses critiques du fait de ses carences. 

Dès lors le système français de protection sociale actuel permet-il de répondre aux attentes de la population qu’il entend protéger face  à un contexte difficile de crise économique ? 

L’Etat providence qui s’est développé en France notamment par le biais de la loi du 4 octobre 1945 instituant la sécurité sociale, a connu de longues heures de gloire. Dans une société qui ne connaissait pas le chômage ou très peu, le système de protection sociale fonctionnait sur des bases solides (I). Force est de constater que depuis la fin des années 1970, le ralentissement de la croissance, la montée du chômage et les difficultés de financement remettent en cause l’efficacité du système qui souffre aujourd’hui d’une crise de légitimité (II).

 

 

I - Le système français de protection sociale : les prémices d’un système innovant

 

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le système français de protection sociale a su trouver une réponse aux grandes problématiques sociale. Il fallait protéger les citoyens contre les risques de la vie.

Le système mis en place à l’origine répondait à une logique d’assurance (A) qui s’oriente ostensiblement, à travers l’évolution de la société, vers un système d’assistance (B)

 

 

A - Un système basé sur une logique d’assurance sociale

 

Par la loi du 30 avril 1930 le législateur institua l’assurance sociale qui était bâtie sur une logique de solidarité professionnelle.  En effet, son financement reposait sur le partage des cotisations entre l’employeur et le salarié. Ce modèle dit « professionnel » était le premier système d’assurance santé obligatoire couvrant l’ensemble des risques (maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès). Il s’appuyait sur des caisses d’assurance maladie gérées par des représentants des entreprises et des travailleurs. Ainsi, pour le première fois en France, la plus grande partie des salariés était couverte légalement et obligatoirement.

Une nécessaire solidarité collective avait été mise en œuvre afin de prendre en charge collectivement les coûts causés par les divers risques sociaux susceptibles d’engendrer une perte de revenus pour les individus.

Pendant la période des « 30 glorieuses », le système de protection sociale français était aisément financé par la population active qui ne cessait d’augmenter.

Aujourd’hui le système de protection sociale s’oriente vers un autre modèle : le modèle Anglais dit Beveridgien.

Ce modèle se fonde sur l’universalité de l’accès aux soins et sur la fiscalisation des dépenses de santé. En effet, ce modèle implique que tous les citoyens doivent être nécessairement protégés contre les risques sociaux quelle que soit leur situation professionnelle et indépendamment de leur revenu.

Le financement de la protection sociale est assurée par l’impôt.

Force est de constater qu’aujourd’hui, le système de protection sociale français regroupe les deux systèmes : celui de l’assurance et de l’assistance.

 

B - Un système basé sur une logique d’assistance sociale

 

Dans nos sociétés, le chômage et la pauvreté sont devenus omniprésents  et le système de l’assurance commençait à s’essouffler face à la détresse sociale. Des dispositifs basés sur l’assistance ont ainsi vu le jour. Le principe est simple : assurer à chacun des membres de la société le droit à un minimum de ressources sans qu’il y est besoin de verser une quelconque cotisation. Ce système, nous l’avons vu nécessite toutefois une financement complémentaire par l’impôt.

Les prestations relevant de l’assistance ne sont pas contributives puisque le bénéficiaire  ne doit aucune contrepartie. Cependant, elles restent soumises à des conditions de ressource et de besoin. Par ce système, c’est la société toute entière qui, dans une logique de solidarité, va aider les personnes se trouvant dans le besoin.

C’est dans ce contexte que la CSG (la contribution sociale généralisée) sera créée en 1990.

Fort du regroupement des deux systèmes, celui de l’assurance et de l’assistance, le système de protection sociale apparaît comme un véritable moyen, non seulement de pallier aux risques sociaux que peuvent rencontrer les individus, mais également de redistribuer les revenus.

En effet, la redistribution horizontale se contente de couvrir les risques sociaux quel que soit le niveau des revenus. Des transferts financiers s’opèrent  de la population active  en direction  de la population inactive.

La redistribution est verticale lorsqu’elle se réalise par des transferts monétaires ou en nature vers les plus démunis qui ne contribuent que faiblement voire pas du tout au financement du système. Cela permet de réduire les inégalités au sein de la société.

 

A coté des systèmes d’assurance et d’assistance, on peut en relever un troisième qui est celui de la protection universelle. Ce système a pour but de couvrir certaines catégories de dépenses pour tous les individus. Les prestations sont donc accordées sans conditions de cotisations ni de ressources, mais sont les mêmes pour tous. Il s’agit par exemple des prestations familiales.

 

 

II - Le système français de protection sociale : les supplices d’un système déficient

 

Le système de protection sociale français, après avoir connu la pérennité lors des 30 glorieuses, connaît aujourd’hui des difficultés de financement dû à plusieurs facteurs, notamment sociaux, mais aussi démographiques et médicaux (A). Le système est aujourd’hui remis en cause (B).

 

A - le financement de la protection sociale, une nécessité à l’épreuve du temps

 

Aujourd’hui le système de protection sociale traverse une crise de financement. Avec la barre symbolique de 10% de chômage à l’heure actuelle, le financement du système par des cotisations n’est plus aussi efficace que ce qu’il a pu l’être par le passé où la majorité de la population disposait d’un emploi stable. Le déséquilibre tient essentiellement à la diminution du nombre de cotisants et à l’augmentation du nombre de bénéficiaires, qui dans ce contexte de chômage et de précarisation du travail, ne cesse d’augmenter considérablement.

Notons également que nous rencontrons aujourd’hui un phénomène nouveau : celui du « burn out ». La conjoncture économique en demande toujours plus aux salariés qui sont bien souvent malmenés par des méthodes de management drastiques. Ainsi la France est le pays d’Europe où la consommation d’anti-dépresseurs est la plus forte[2], ce qui contribue à aggraver un peu plus la situation financière de la protection sociale.

Le chômage et la conjoncture économique difficile ne sont les seuls responsable du déséquilibre.

L’allongement de la durée de vie va nécessiter de verser les retraites pendant plus longtemps. De plus, les dépenses de santé augmentent en même temps que l’âge des individus. La médecine fait des progrès considérables, mais les techniques médicales ont un coût très élevé[3].

Inexorablement, les dépenses de santé augmentent mais le nombre de cotisants diminue. Le système de protection sociale français, considéré comme la pierre angulaire de la cohésion sociale, perd peu à peu de sa légitimité.

 

B - La cohésion sociale, un principe fondateur à l’épreuve de la société. 

 

Face à la montée du chômage et la difficulté  pour les personnes sans emploi d’en retrouver un , on constate que les mesures d’assistance tendent à s’intensifier.

Tel fut le cas notamment avec l’adoption du RMI (revenu minimum d’insertion), mais on peut également citer le minimum vieillesse ou la CMU.

Le RMI a été victime de son succès. Triste succès par ailleurs, puisqu’il fut perçu comme étant un revenu de complaisance à l’égard des chômeurs. Parfois, plus avantageux qu’un salaire on ne peut pas vraiment dire que le RMI remplissait sa mission qui était avant tout de favoriser l’insertion.

Le fossé entre les acteurs de la protection sociale se creuse, avec d’un coté ceux qui contribuent au système et ceux qui n’y contribuent plus. Ainsi en 2008, le gouvernement mis en place le RSA sous l’impulsion de Martin Hirsch. Le revenu de solidarité active a pour objectif  d’assurer l’augmentation des ressources d’une personne bénéficiaire d’un minimum social qui prend ou reprend un travail. L’idée d’une contrepartie était nécessaire afin d’atténuer les médisances à l’égard des plus démunis, bien souvent perçu comme des « assistés ». 

Enfin, on peut noter un dernier point important. En matière de santé, comme pour la retraite, les individus ont de plus en plus recours aux organismes privés de capitalisation. Un moyen sur et efficace pour lutter contre les incertitudes de la vie. Ainsi le système français de protection sociale perd de sa légitimité.



[1] William BEVERIDGE (1879-1963)

 

                2 http://www.continentalnews.fr/actualite/sante,7/antidepresseurs-la-france-championne-du-monde-toutes-categories,2198.html

 

                3 http://www.gouvernement-off.fr/Les-depenses-de-sante-progressent

 

Publié dans Droit social

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